Le major WhittyC'est vers la mi-juillet 1944 que Edmond Proust, chef de l'AS (Armée Secrète) est informé du parachutage d'une équipe alliée qui a pour nom de code « Harold ». Pour le chef du plus grand mouvement de résistance des Deux-Sèvres, qui manque cruellement d'armes anglaises, ce peut être une excellente nouvelle. Ce peut aussi bien être un piège. Qui ne dit que ces parachutistes anglais ne sont pas des Allemands déguisés ou des traîtres venus espionner la résistance ? "Contact est prudemment pris avec elle, car il est difficilement explicable, après tant de mois d'efforts pour mettre sur pied une organisation militaire cohérente, à qui il ne manque que des armes pour exécuter un plan d'opérations longuement préparé, qu'on envoie de Londres, pour armer la résistance, une équipe ignorant tout de ce qui existe dans le département. On peut craindre un piège..." écrit-il.

 

Nom de code : Harold

Cette mission Harold (nom de code donné par les Anglais) est assurée par la 14ème équipe Jedburgh (Jed-team) envoyée en France. Cette équipe est composée du major V.E. Whitty (nom de code « Ross ») qui est de nationalité anglaise ; du lieutenant français « Pierre Raimbaud » (ou Tyrone), de son véritable nom Pierre Jolliet et du sergent anglais Harry Verlander (nom de code "Sligo"), le radio de l'équipe. Cette équipe est parachutée dans la nuit du 16 au 17 juillet avec deux autres militaires, le capitaine Burt et le lieutenant Poisson du 3ème SAS commandé par le capitaine Fournier, dans la région de L’Absie.

 

A la recherche de la liaison avec Londres

Le but de cette mission, est d'abord d’accompagner les deux officiers SAS de l'opération Dickens (Burt et Poisson) pour leur permettre d'établir une petite base qui serait renforcée ultérieurement. Elle doit surtout contacter et armer les groupes de FFI dans la région. La zone primitivement prévue pour le parachutage se situe vers La Châtaigneraie (Vendée), mais il se déroule, en fait, au dessus de la région de L'Absie par suite d'une erreur de calcul du pilote. Ce parachutage a lieu à 1 heures 30 de la nuit, le 17 juillet 1944, et est réalisé « blind », c'est à dire en saut aveugle, à une altitude d'environ 100 mètres. Malheureusement, le matériel radio est détruit en arrivant au sol, seul le quartz du poste émetteur pouvant être récupéré. Après s'être cachés dans les écuries d'une ferme, les membres de cette mission peuvent entrer en contact avec deux membres de la résistance locale, non sans avoir été obligés de se dissimuler dans des bois proches, leur premier guide s'étant un peu trop vanté, dans un café, du service qu'il leur a rendu. Le major Whitty demande alors à l'un des résistants de la région, Fernand Gougeard, de porter un message codé à un poste de la mission anglaise « Samuel Shipwright », situé dans la Vienne. Ce message donne les coordonnées d'un terrain d'atterrissage pour parachuter des armes. Mais la demande de Whitty ne peut être satisfaite rapidement. C’est pourquoi le lieutenant Jolliet (Pierre Raimbaud), muni du quartz du poste détruit à l'atterrissage, se rend le 29 juillet à Verrières, à coté de Saint-Maixent, où se trouve l'antenne du réseau Eleuthère qui dispose d'un moyen de communication radio avec l'Angleterre, pour demander à renouer le contact avec Londres. René Robin, l'un des membres du réseau, se rend alors dans les bois de L'Absie pour rencontrer Whitty et s'assurer du bien fondé de la demande. En effet, utiliser un poste émetteur d'un autre réseau, avec un quartz différent de celui qui lui est normalement affecté, est strictement interdit. Afin de tester la bonne foi et la compétence de Jolliet, ce dernier doit participer, avec des membres du triangle 16, à un sabotage par explosifs sur le château d'eau et la pompe de la gare de Saint-Maixent. Il s'acquitte sans peine de sa tâche. L'entretien de Robin avec Whitty et le radio Verlander, en présence de Raimbaud, ayant été jugé positif, il faut joindre maintenant l'équipe radio du réseau Eleuthère. Ce contact a lieu chez les soeurs Gautron, à Saint-Maixent. Raimbaud y rencontre, par l'intermédiaire de René Robin, le radio Jean Duflot, alias « Legros ». Ce dernier refuse d'abord catégoriquement de se servir du quartz apporté par Jolliet, en rappelant que, "sous aucun prétexte", il ne doit émettre sur une autre fréquence que la sienne. Cependant, après une longue discussion, au cours de laquelle Robin et Raimbaud se font particulièrement pressants, Duflot accepte de conduire Jolliet à La Ronze, où se trouve le poste émetteur d'Eleuthère. C’est de cette façon que Whitty peut enfin se mettre en relation avec Londres, ce qui va permettre la réalisation des parachutages d'armes dont a tant besoin la résistance deux-sévrienne.

 

Une réunion capitale

C'est un peu plus tard, vraisemblablement le 27 août, que se tient une réunion capitale qui tranche le conflit qui oppose l'AS d'Edmond Proust et les FTP de Maurice Robin, suspects d'être contrôlés par les communistes. Lors de cette réunion qui rassemble René Hudeley, le préfet clandestin, Joseph Pineau, le président du CDL, Edmond Proust et Maurice Robin à La Boissière, le major anglais Edward Whitty est particulièrement net: " Nous annonçâmes que nous refuserions des armes aux communistes à moins qu'ils ne reconnaissent Chaumette comme chef et s'intègrent aux FFI au lieu de rester une organisation locale indépendante" écrit-il plus tard. Voilà qui est clair: Chaumette devient le patron de toutes les forces de la résistance, unies au sein des FFI et bénéficie du soutien de Whitty. Et, en ce mois d'août 1944, c'est Whitty qui a les atouts gagnants, puisque c'est lui qui détient la possibilité de faire délivrer des armes grâce à son poste émetteur.